Suivez Joseph Briand et Jean-René Guicheteau
dans leur traversée du Canada à vélo
de Vancouver à Halifax du 17 mai au 24 juin 2013.

lundi 3 juin 2013

2 juin : Winnipeg-Kénora (211 km) ou D'un océan à l'autre : Welcome to Ontario

Le petit mot de Jean-René

"Je n'avais pas dit de baisser le ventilateur... Mais de le couper !" Voilà résumée la journée d'aujourd'hui : vent, ciel bleu, soleil... Mais froid ! Néanmoins 211 km et nous voilà à Kénora. L'Ontario qui, depuis les Rocheuses nous semblait si loin voire inaccessible est bien là, beaucoup plus joli que les états des Prairies. La nuit de ce soir sera réparatrice et bienvenue car sur ces longues routes on y laisse des plumes !

Le centre longitudinal

À Jo

Le réveil sonne à 6 h 15. En mettant le nez à la fenêtre, on se dit d'emblée que la journée devrait être belle. Le ciel est bleu, pas le moindre petit nuage. Il fait toujours un peu frisquet au départ. Le temps d'atteindre la bretelle nous conduisant sur le dernier tronçon de la Trans, le vent capricieux  commence déjà à nous narguer. Quelques cris d'oies "urbaines", puis déviation vers l'est (nous quittons le périphérique au bout de 16 km). Nous sommes soulagés. Le vent, encore faible à cette heure là, souffle de trois-quart arrière. La Trans est extra plate horizontale, d'une rectitude audacieuse. Comme il en faut plus pour nous démoraliser, nous bavardons de choses et d'autres, bravant la monotonie ambiante. Après 30 km, un panneau, annonçant le centre longitudinal géographique du Canada, nous fait rêver de côte Est : après avoir trempé la roue arrière de nos deux bicyclettes  dans le port de Vancouver, nous pensons déjà à plonger la roue avant dans l'Atlantique. Mais il va falloir patienter encore trois semaines... Alors nous pédalons, duo intrépide, avec la régularité du métronome. Nos souffles accompagnent la musique du pédalier sur un tempo allegro moderato (ah les gros mots des râteaux !... non je divague à cette heure-ci, pardonnez-moi), de l'ordre d'un tour de pédalier par minute. Nous sommes partis pour une longue danse de 9 heures encore aujourd'hui. Inlassablement, nous détricotons depuis 15 jours le long ruban gris qui n'en finit pas !

Changement de décor

Brutalement, toujours sous un ciel azuré et un soleil radieux, l'horizon s'efface, ou plutôt se raccourcit, barré de chaque côté par les frondaisons vert foncé de la forêt canadienne. Une véritable bouffée d'oxygène et un coupe-vent naturel que nous apprécions sans modération. Comme un bonheur n'arrive jamais seul, un daim, débouchant sur notre gauche, passe juste quelques mètres devant nous, puis bondit avec une incroyable vitalité et souplesse vers le sous-bois.
Notre parcours est inhabituel, très très peu de circulation et peu de camions, mais des grosses motos... On est dimanche! Et puis dans la forêt, on ne voit pas l'autre ruban d'asphalte, caché par les arbres qui amortissent aussi le bruit de la circulation inverse. Comme d'habitude, rares sont les relais pour se ravitailler. C'est au 100ème km que nous trouverons notre repos déjeuner, avant de nous remettre en selle face au vent qui semble se rebeller à nouveau. Encore une fois, nous ne lâchons rien et avançons, écrasés sur nos machines à la recherche d'un virage à droite qui ne vient pas.

Nos prochaines vacances !

Le Manitoba tente une dernière fois de nous retenir : de longues côtes avec vent de face commencent à apparaître. Nous entrons en Ontario en fin de journée, harassés de fatigue. Je prends dans un sursaut le temps de filmer Jean-René qui pédale loin devant. Je range vite fait mon matériel et m'accroche, debout sur les pédales, pour affronter le relief, qui laisse entendre que les Prairies prennent fin ici... la semaine qui s'annonce ne va pas être de la tarte mais plutôt un pavé lourd à digérer! En attendant, nous avons fait halte dans la très jolie cité de Kénora (on se croirait aux Mille-Îles pour celles et ceux qui connaissent, c'est entre Montréal et Toronto). Nous avons dévoré et beaucoup bu (d'eau mais faut-il le préciser ?...), nous sommes ce soir dans un état second, "dopés aux endorphines", une sorte d'ébriété due à notre état de fatigue évidemment (j'en vois d'ici qui imaginent une autre cause... mais détrompez-vous...).



Arrivée en Ontario

Pour terminer, je rajouterai que l'on a fait la grande majorité du parcours aujourd'hui, seuls, c'est-à-dire à 100 voire 200 m l'un de l'autre. Une façon de rentrer encore plus dans notre défi : dans cet enjeu, on ne peut compter que sur soi-même, sur son mental... autrement dit, une entreprise d'envergure. Nous nous sommes engagés totalement dans cette odyssée, qui reste avant tout une démarche solitaire (chacun pédale) pour se réconcilier avec nous-même, redonner goût à la vie (même si on ne l'a jamais perdu), se réaliser dans ce qui constitue l'essence même de la vie.

Pur régal

Je crois qu'il est temps que j'arrête mes délires, il est minuit. Je vous envoie quelques clichés. Merci encore une fois pour vos messages auxquels je n'ai pas le temps de répondre mais ne vous privez pas... Merci d'avoir la patience de me lire jusqu'au bout.

Et le 3 juin au matin

Petit jeu de mots pour Simon que je remercie pour sa recherche sur les oiseaux : ce sont effectivement des "carouges à épaulettes" ! Ce ne sont pas des cas rares, même si l'on reste de marbre (je ne sais pas si vous me suivez...). Je vous offre cette anagramme que j'ai fabriquée dès le réveil : carouges à épaulettes = courage à tes épaules. Allez, bonne journée !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Henri Desgrange
(organisateur du Tour de France)

La souffrance à bicyclette est noble car elle correspond au plein épanouissement de la volonté.

La plus grande qualité d'un coureur est la modestie. (La tête et les jambes)

Anonyme a dit…

La patience pour vous lire , non ! c'est l'impatience de lire le commentaire de votre prochaine étape (je suis accro.). Merci à vous deux . C'est énorme ce que vous faites et nous faites partager .
J'ai pensé fortement à vous hier dimanche : je faisais L'Albigeoise et j'ai terminé les 30 derniers kms ,seul(les autres étaient déjà sous la douche , mais n'avaient sans doute pas fêté la veille la victoire de Castres en TOP14 (du sport , du vrai comme ce que vous réalisez ) avec un vent de face à décorner les boeufs ... ça m'a suffit ... Bravo les gars .
Par contre si après les oiseaux de toutes les couleurs (vert rouge noir) vous voyez des éléphants roses qui volent , vous me faites signe : gardez moi un fond de vos bidons ... j'aimerai bien essayer ...En fait je viens d'avoir l'explication de vos "hallucinations" , ce sont les fameuses endomorphines .
Encore Bravo et Merci
Vous êtes formidables
Ciao Emilio

Anonyme a dit…

Coucou Joseph,

Un petit bonjour de ce côté de l'Atlantique. On lit tes récits avec le plus grand intérêt : qu'est-ce que tu écris bien !! Un vrai plaisir de te lire. Merci !
Donc, vous voici en Ontario. Bravo ! Nous avons juste mis les pieds là-bas, il y a 10 ans ... en excursion, lorsque nous sommes allés conduire Céline à Montréal. Elle te dit bonjour.
Et nous avons parlé de toi, de vous à Grammont où nous avions rendez-vous avec Isabelle pour un super concert, vendredi dernier.
Carte sous les yeux, nous continuons à suivre votre périple.
Bonne suite pour votre Conquête de l'Est !
A bientôt.
Françoise et Paul

Anonyme a dit…

Bravo, à la faveur d'un vent enfin favorable vous avez franchi la "frontière" de l'Ontario, une "simple" province de ce pays démesurée, une Province large de 2000 km. Avec bientôt encore un changement de fuseau horaire au milieu de nulle part. Vous devriez arriver en vue de Thunder Bay. Là, commencera un autre tronçon, superbe, à savoir le long de ce "Lac" Supérieur, tellement immense qu'on pourrait même y ranger la Suisse dedans, et ce jusqu'à Thunder Bay. Ce ne sont pas les Rocheuses mais en terme de dénivelé, ce sera pas mal non plus car en permanence, on monte, on descend, puisqu'il faut toujours revenir au niveau du Lac. J'espère que vous n'aurez pas trop de brume ou de vapeur d'eau car il arrive de devenir totalement invisibles sur la route. Je vous fais confiance, vous pédalerez en fonction des fenêtres météo, et puis aussi en fonction des rares lieux de vie sociale (les seules stations-service en l'occurence, sans compter qu'il faut bien dormir quelque part !). Je souhaite qu'on pourra profiter de la photo de nos deux pédaleurs devant l'oie géante de Wawa, vous ne pourrez pas la manquer. Sinon, avez-vous vu des tortues terrestres qui s'aventurent sur l'asphalte de la Transcanadienne ? J'espère qu'elles n'ont pas toutes été écrasées par les vilains camions depuis mon passage.
Allez, maintenant le paysage s'amorce vers d'autres biotopes, place à la forêt, pas davantage habitée que les Prairies d'ailleurs !
Vivement demain pour la suite !!!
Cécile

Enregistrer un commentaire

La démarche la plus simple pour enregistrer un commentaire est de sélectionner "Anonyme" parmi les choix offerts dans la liste "Sélectionner le profil...". Pensez alors à signer votre commentaire. Il sera ensuite publié une fois que les modérateurs du blog l'auront validé (étape nécessaire afin d'éviter les spams).