"Il y a quelque chose de pire dans la vie
que de n'avoir pas réussi :
que de n'avoir pas réussi :
c'est de ne pas avoir essayé."
(Franklin D. Roosevelt)
(Franklin D. Roosevelt)
Sur ces terres immenses, pour vaincre le "bouclier canadien" nous avons "surfé" d'un océan à l'autre avec une grande détermination. Objectif inouï lorsque l'on prend la mesure de la quantité d'efforts fournis.
Tir de canon à Halifax "signant notre arrivée"
Lorsque j'ai proposé ce projet à Jean-René, il y a quatre ans déjà, j'avais ressenti une très forte envie de sa part, qui fut suivie d'une part de doute. Sa première réflexion m'est restée en mémoire : "Il faut quatre paramètres indispensables : une bonne santé, une grosse motivation, un bon entraînement et du bon matériel." Il avait déjà tout compris mais avait oublié un élément hyper important à mon sens. Pour aborder un défi aussi démentiel, s'il y a une règle fondamentale à retenir c'est d'ignorer la peur. La peur de la distance, des obstacles naturels comme les Rocheuses qui, vues du ciel nous ont laissés songeurs. La montagne rend humble. Il nous faut l'apprivoiser. Je me sens capable d'assumer psychologiquement un tel seuil d'engagement en allant puiser au fond de moi, jour après jour, jusqu'aux limites acceptables du physique et du mental.
Jean-René, éclatant de santé avec ses "65 printemps" est capable de surmonter les difficultés à une condition : ne pas gamberger. Durant cette traversée, je me suis senti plein d'attention à son égard. C'était la première fois que quelqu'un acceptait de m'accompagner. Prenant la mesure de ma responsabilité en l'engageant dans cette aventure, et usant des enseignements de mes expériences passées, j'ai spontanément eu envie de servir de coach. J'avoue avoir pris beaucoup de plaisir. Nos caractères faciles nous ont permis de vivre cinq semaines sans la moindre tension, avec un respect naturel l'un vis-à-vis de l'autre. Belle expérience là aussi pour le solitaire que je suis.
Fanfare à la citadelle d'Halifax !
Les Prairies, à notre grande surprise, nous ont résisté de façon inattendue, avec un vent destructeur. Les milliers de camions, véritables mastodontes en furie lancés à vive allure, nous ont frôlés dangereusement. Jamais de mon expérience de cycliste je n'avais serré mon guidon aussi fermement à leur passage. Guidon qu'il faut maintenir avec une très grande vigilance en permanence, à tout moment un trou sur la chaussée peut nous précipiter à terre (ou pire sous les roues...) si l'on n'y prend pas garde. Des dizaines de fois l'un et l'autre avons évité la catastrophe. Oui notre vie était réellement en danger (dans la région de Sudbury nous avons survécu à l'inconscience des chauffards) mais nous ne pouvions vous le partager à ce moment-là. Et lorsque l'on est dans le feu de l'action, on ne pense qu'à une chose, s'en sortir. D'où quelquefois notre précipitation dans les graviers sur les bas-côtés au risque de s'étaler violemment par terre. Les occasions d'abandonner étaient multiples. Sans l'expérience acquise depuis des années, je ne suis pas sûr que nous serions allés au bout de notre formidable aventure. Dans pareille circonstance on espère en sa bonne étoile, et petit rappel : "le voyage ne vous apprendra rien si vous ne lui laissez pas aussi le droit de vous détruire" (Nicolas Bouvier). Évidemment je ne dis pas ça pour la gloire, mais si quelqu'un veut à son tour tenter l'aventure, il vaut mieux savoir à quoi il doit s'attendre.
Et là une fois encore, je ne peux résister à l'envie de vous citer les paroles du célèbre alpiniste italien Piaz Gianbattista, aimant frôler l'impossible, mort sur son vélo : "Merci à vous, puissances secrètes qui, sur les chemins fulgurants du danger véritable, emportez mon âme vers les altitudes et m'offrez volupté sans pareille, avidité de la mort entrevue, le miracle de la résurrection."
Départ de Jean-René pour l'aéroport
Nous ne pourrons bien sûr pas oublier ce que nous venons de vivre. Sur ces routes implacables et les kyrielles d'animaux écrasés, on se sent accablé de solitude. Toute l'hostilité du monde et toute l'insanité de notre épopée nous ont sauté aux yeux avec une effrayante clarté. Mais on vous rassure, nous avons aussi vécu et vu de belles choses. Bien que nous n'ayons pas pris le temps de visiter le Canada en touristes, nous avons apprécié l'organisation tout au long de notre périple (motels, restaurants), la spontanéité et la gentillesse des canadiens en général. Et ça même "l'oxydation corrosive de la mémoire" ne pourra nous les soustraire. Et si les souvenirs sont proportionnels aux difficultés et aux souffrances que nous avons dû surmonter, il n'en reste pas moins que ce défi de l'inutile centre nos vies, et peut-être interroge-t-elle la vôtre ?... Bien le plus précieux.
Cette "Transcanadienne" fait partie désormais des fruits de nos propres histoires, un fruit désaltérant, gai, générant en nous une fureur de vivre que nous voudrions vous partager à travers le film que nous espérons vous présenter en fin d'année.
Merci encore une fois de nous avoir suivis et d'avoir laissé des messages. Tous ces écrits ont permis de toucher de près ce lien de joie qui nous a porté et maintenu si proches de vous.